CRÉER LE CHANGEMENT QUE L’ON VEUT VOIR DANS LE MONDE

 

  1. Chez Spring Lab, on aime l’intelligence collective !

Alors pour démarrer cet échange, si tu étais un jeu de société, lequel serais-tu ?

Je serais sans doute Bang Duel, un jeu d’affrontement dans l’univers du Far West. C’est un jeu stratégique, drôle, un peu absurde et très hasardeux… et qui oblige à miser sur les singularités de chacun. Alors non, ce n’est pas un jeu collaboratif, mais c’est très drôle et il valorise les atouts individuels, ce qui résonne avec ce que j’essaie de faire au quotidien. Petite, j’aurais dit Cluedo : sûrement pour l’enquête, la curiosité et l’envie de comprendre les ressorts du monde.

 

  1. Comment en es-tu venue à t’engager en faveur des enjeux de transition sociale et environnementale ? Quel a été ton moteur ?

Tout d’abord, j’ai grandi sur la Côte d’Opale, entre les plages du Touquet et Berck-sur-Mer.  Au cœur de ce territoire aux réalités sociales très contrastées, j’ai vite pris conscience de la chance que j’avais : celle d’être poussée et accompagnée dans les études, de pouvoir partir et soutenue pour faire ce que je voulais.

D’autre part, mes parents travaillent dans le monde de la santé, et cela m’a beaucoup influencée. La vie professionnelle a toujours été pour moi un espace d’engagement, de don de soi — avec tout ce que cela comporte de beau, mais aussi de difficile.

Mon engagement s’est d’abord exprimé dans le monde associatif. Puis il y a eu un moment-clé : un voyage en Inde de trois mois et demi. Là-bas, j’ai découvert le pouvoir du collectif, le levier puissant de transformation de la société qu’est l’entrepreneuriat, la force de la diversité sociale et culturelle à travers une expérience incroyable où je suis allée à la rencontre d’entrepreneurs sociaux.

À mon retour, j’échange avec Matthieu Dardaillon, un ami d’école, qui a également vécu une expérience hors du commun en Inde lors du Jagriti Yatra, un train qui réunit chaque année 500 jeunes Indiens issus de toutes les castes pour aller à la rencontre d’entrepreneurs sociaux et leur donner envie de le devenir à leur tour. Ce fut une révélation.

C’est alors que l’idée de Ticket for Change a germé : transposer cette expérience en France pour déclencher des vocations d’entrepreneurs du changement.

 

  1. Qu’est-ce qui t’inquiète le plus ? Et à l’inverse, qu’est-ce qui te donne de l’espoir ?

Ce qui m’inquiète, c’est la polarisation croissante de la société, la montée des tensions, et ce qu’elle signifie pour notre démocratie.

Mais je garde espoir grâce à l’écosystème dans lequel j’évolue : l’économie de l’impact, les associations, les entreprises qui se transforment, les personnes engagées. C’est un peu “la forêt qui pousse” — discrète mais puissante. 

 

  1. Tu as co-fondé Ticket for Change. En quoi consiste ton rôle chez Ticket for Change ?

Il a énormément changé et évolué depuis le début de l’aventure, mais aujourd’hui mon rôle s’articule autour de trois piliers :

La vision systémique du projet : ce rêve que nous poursuivons ensemble, les acteurs avec lesquels on veut transformer le système. Il s’agit de la construire en collectif, de la faire vivre, de la diffuser largement.

Le modèle économique : assurer la solidité financière de Ticket for Change, qui est à la fois une association et une entreprise sociale, avec plusieurs sources de revenus, et ce dans un contexte très difficile

La gouvernance, interne et externe : lien avec le conseil d’administration, animation de l’équipe, décisions stratégiques et transverses avec notre comité de pilotage, et implication des parties prenantes.

 

  1. Comment t’y prends-tu pour bousculer les codes du monde du travail ? Comment Ticket for Change participe à la transition ?

Notre mission, c’est de détecter, accompagner et faire rayonner les pionniers du monde de demain. On accompagne des entrepreneurs, mais aussi des collaborateurs et des dirigeants, ainsi que des jeunes acteurs de changement.

Historiquement, on a commencé avec le Parcours entrepreneur : un programme pour accompagner celles et ceux qui ont une idée d’impact. On crée cette année Oasis, un programme de six mois pour prendre soin de soi et de son projet, parce que transformer le monde demande une vraie solidité intérieure.

Aujourd’hui, on intervient aussi dans les entreprises, notamment auprès des fonctions RH, car nous sommes convaincus que leur rôle est un levier puissant à actionner pour aller vers une transition.

Ticket For Change, c’est à la fois une école et un mouvement, avec des actions de plaidoyer et de formation. On agit sur les deux leviers : les individus et les organisations.

 

  1. De quoi es-tu la plus fière ? Quels sont tes plus grands défis ?

Je suis particulièrement fière des personnes qu’on a accompagnées et qui ont développé des projets à fort impact. Les voir déployer leur potentiel et contribuer au bien commun me motive au quotidien.

Quelques exemples : Meet My Mama, Le Drive tout nu, We Dress Fair, Je bouge pour mon moral, Yuka, Sorella Care, Pause Brindille

Et au-delà des projets, c’est la communauté Ticket for Change qui me rend fière. Elle continue à vivre, à s’entraider, à faire réseau — parfois des années après un programme. Ce sentiment d’appartenance et de soutien est précieux.

Le principal défi, c’est de réussir à jongler entre le court terme et le long terme : gérer l’opérationnel tout en maintenant la vision. Comment rester fidèles à nos valeurs tout en cherchant à amplifier notre impact ? C’est un exercice d’équilibriste permanent, personnel et collectif.

  1. En quoi l’approche de Ticket for Change est-elle singulière pour réussir les transformations ?

Elle repose sur trois dimensions que l’on combine dans tous nos formats : la tête, le cœur et le corps. C’est ce mélange qui permet une transformation en profondeur.

On travaille beaucoup sur l’expérience, sur la mise en mouvement, sur l’émotion. Et surtout, on fait en permanence le lien entre transformation individuelle et collective. Ce que l’on vit personnellement doit nourrir l’action collective — et vice versa.

 

  1. Selon toi, quelle est la plus grande responsabilité d’un cabinet de conseil à impact aujourd’hui ? Son plus grand défi ?

Un cabinet comme Spring Lab a un rôle-clé : celui de faire le lien entre des dirigeants — qui ont du pouvoir et une capacité d’agir — et d’autres univers souvent plus engagés, mais moins entendus.

La responsabilité, c’est d’éclairer, inspirer et outiller ces dirigeants pour qu’ils puissent devenir des moteurs de la transition.

Le défi ? C’est la fragmentation de l’écosystème : d’un côté, des gros acteurs peu engagés mais très visibles, de l’autre, des structures hyper engagées mais en difficulté économique. Il faut réussir à faire dialoguer ces mondes.

 

  1. Pourquoi as-tu accepté de rejoindre le comité de mission de Spring Lab ?

Par amitié, par partage de valeurs, par solidarité avec d’autres acteurs de la transition. Et parce que j’y ai vu une occasion de contribuer à une réflexion collective sur des enjeux systémiques.

 

  1. Qu’est-ce qui t’a plu ou interpellé dans la démarche de Spring Lab ? Quel est notre truc en plus qui t’a marqué ?

Votre capacité à faire le lien entre différents mondes. Vous connaissez très bien l’univers corporate, mais gardez une grande ouverture aux écosystèmes de l’impact. Ce rôle d’intermédiaire, de pont, est précieux.

 

  1.  Quel premier conseil as-tu envie de donner ?

Ce n’est pas un conseil, mais une question : comment pouvons-nous mieux se renforcer entre acteurs engagés, même quand on est petits ? Il y a une réflexion collective à mener là-dessus.

 

  1. Comment imagines-tu en 2040 l’entreprise idéale ?

Des entreprises qui répondent à des besoins sociétaux et environnementaux, qui créent de la valeur économique et sociale, et qui sont des espaces de démocratie, d’épanouissement, des lieux de transformation du monde.

Des modèles qui soutiennent le monde associatif, influencent la politique, réinventent l’économie. Yuka est un exemple très parlant de cette capacité d’influence.

 

  1. Qu’aimerais tu transmettre aux générations futures ? Quel message / quel héritage aimerais-tu laisser ?

Un message d’espoir. L’idée que penser plus grand que soi peut transformer sa propre vie.

Qu’on peut s’épanouir profondément en s’engageant pour le collectif. Que croire en l’humain, ça reste possible — et même nécessaire.

 

 

Les Visages du Virage est une série d’interviews aux côtés de celles et ceux qui portent des transformations stratégiques, organisationnelles, culturelles et surtout humaines. Les Visages du Virage, c’est une fenêtre ouverte sur les projets qui réjouissent notre quotidien et qui enthousiasment nos client·e·s.

Chaque interview est une histoire unique, une source d’inspiration et un appel à l’action.

 

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